La révolution anglaise

Publié le par stéphane

1. Introduction

Le passage du Moyen-Age à la Renaissance et à l'époque moderne s'est écrite dans les larmes et dans le sang. La découverte du Nouveau Monde ou plutôt son exploitation, sa colonisation et le pillage de ses richesses par l'Europe allaent modifier à jamais l'histoire du monde. De cette énorme aventure ne pouvait que naître un monde nouveau avec :

  • des bases économiques différentes
  • des idées philosophiques différentes
  • des principes religieux transformés
  • des hommes nouveaux basés sur les différents métissages issus des rencontres entre des peuples qui se rencontrèrent
  • des richesses nouvelles attisant la cupidité des hommes
  • l'Europe occidentale allait se montrer la plus habile dans sa capacité à utiliser les découvertes issues des peuples rencontrés.

Bref des révolutions au niveau des moeurs, des rapports entre les hommes (politique) et de la science allaient trouver leur aboutissement dans et par ce mouvement que l'on a appalé aufklarung (des lumières)! Nous analyserons dans ces chapitres, les révolutions politiques majeures qui touchèrent le monde anglo-saxon : l'Angleterre et les Etats-Unis d'Amérique.

C'est en Angleterre que les évènements révolutionnaires vont commencer. Ce pays connait en effet au XVIIe siècle des mutations sociales très profondes. Au niveau commercial : au début de ce siècle, la supériorité de la flotte anglaise y assure un commerce maritime très important. De plus, son industrie du textile est sur le point de devenir plus prospère que celles des Pays-Bas et du nord de la France.

Socialement, c'est d'ailleurs, au cours de cette période qu'apparaît en Grande-Bretagne une classe de nouveaux riches, la "parish elite" (bourgeoisie). Cete dernière s’enrichit et contrôle le Parlement, qui s’oppose au pouvoir absolu du roi.

La noblesse, pour sa part, a vu son son pouvoir s'affaiblir par la guerre des Deux Roses à la fin du 15ème siècle et se retrouve  dès lors sans privilèges juridiquesconcrets. C’est pourquoi elle délaisse son rôle traditionnel pour se lancer dans l’activité commerciale. Le mouvement des enclosures est représentatif de cette tendance : afin de pratiquer l’élevage commercial, les propriétaires terriens ferment l’accès des terrains communaux, mettant ainsi fin à une tradition millénaire. Or, en clôturant les terrains, ils condamnent des milliers de paysans à la famine. A ce niveau le pays est au moins un siècle en avance sur les reste du monde (européen). La conséquence directe de ces mesures est d'envoyer des milliers de paysans tenter leur chance vers le Nouveau-Monde afin d'y faire fortune.

L'aspect religieux est pour ces gens surtout, également un facteur décisif. La doctrine calviniste, qui fait naître un puritanisme religieux, remet en question le pouvoir établi, car elle offre la liberté morale à quiconque se croit élu. De ce fait, la grâce de Dieu peut se manifester dans le succès, le pouvoir et la richesse. En outre, elle est accordée aux personnes de toutes origines sans distinction. L’idée selon laquelle la grâce divine est offerte de façon inconditionnelle se nomme l’antinomianisme. Il s’agit d’une doctrine qui exclut toute notion de péché ainsi que toute justification des inégalités sociales et du pouvoir exercé par quelques-uns sur les autres. La doctrine antinomianiste se répand rapidement au XVIIe siècle, si bien qu’une révolution a lieu en 1642. Celle-ci est déclenchée par des groupes politiques radicaux appelés les levelers (niveleurs) et les diggers (creuseurs). Pour eux, l’édifice politico-religieux qui soutient la monarchie et l’aristocratie est une fable et une usurpation du pouvoir. Leur programme rend compte de leurs opinions politiques : ils exigent l’abolition de la monarchie et de la propriété privée, le suffrage universel pour tous les citoyens, le retour à la vie en autarcie et l’interdiction des enclosures.

Pour contrer cette révolution égalitariste, l’élite anglaise élabore la convenant theology. En vertu de cette doctrine, la relation entre Dieu et l’élu consiste en une sorte d’échange : Dieu se charge du salut des hommes, les hommes se chargent d’appliquer sur terre sa loi. Cette doctrine présente l’avantage de concilier le rôle de la volonté humaine et la toute puissance divine. La convenant theology convient fort bien à la bourgeoisie anglaise, car elle offre la justification d’une inégalité sociale par le fruit d’un honnête travail. La bourgeoisie anglaise a donc le droit d’exister, de s’enrichir et de gouverner au Parlement avec la sanction de Dieu. Toutefois, pour que la bourgeoisie puisse jouir de ces privilèges, le pouvoir absolutiste du roi doit être aboli. C’est d’ailleurs ce refus de l’absolutisme qui est l’objet de la guerre civile de 1642 et de la Glorieuse Révolution de 1688.

A noter également que l'Anglerre a une très forte tradition anti absolutiste. Dès 1215, les barons avaient déjà imposé la magna Carta à Jean sans Terre : ce texte que l'on peut observer au British Museum restreignait les prérogatives royales. Notez également que le Parlement n'a pas la même fonction en Angleterre qu'en France. Chez les anglais, le Parlement joue un rôle politique et discute des lois et surtout de la levée des impôts. En France il est une chambre à rôle essentiellement judiciaire. Les anglais n'ont jamais accepté l'absolutisme royal surtout quand celui-ci se montre tyrannique. S'ajoutte à cela la réforme qui joue un rôle essentiel : les hommes ont le droit et le devoir de s'enrichir, c'est même un signe de la grâce divine. Sur ce point de doctrine les catholiques et les calvinistes surtout sont en total désaccord.[1]

Notes :
[1] Tiré de Gaston Lavergne dans www.esplanade.org/democratie
Max Weber publie en 1905 l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. C'est à ce père de la sociologie et de l'anthropologie que l'on doit l'explication claire de l'émergence du capitalisme qu'il associe à une «révolution des esprits, engendrée par la tourmente luthérienne». Bref, la relation que Weber établit entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme repose sur le fait que le protestantisme représente le triomphe de la raison sur l'irrationnel dans le rapport de l'homme au réel.

2. Premier acte (1642-1660)[1]

La révolution anglaise va marquer la naissance de la démocratie moderne et se déroulera en deux actes (1642-1649 et 1688).

En 1637, la tentative de Charles 1er d’imposer la liturgie anglicane aux presbytériens écossais poussent ceux-ci à la révolte. Ils lèvent une armée pour occuper, en 1640, le nord de l’Angleterre. Le 3 novembre 1640, Charles 1er convoque le Parlement (qui alors porte le nom de Long Parlement) afin de ramasser l’argent nécessaire pour lutter contre les Écossais. En échange de son aide, le Long Parlement exige des réformes et met en accusation deux conseillers du roi soupçonnés d’être responsables de sa politique absolutiste. Condamnés pour trahison, Thomas Wentwort (comte de Stratford) et William Laud (archevêque de Canterbury) sont décapités. Le Long Parlement ne se contente pas de ces dernières demandes. Le 1er décembre 1641, ses membres se mettent d’accord sur les actes à reprocher au roi. Le Long Parlement rédige ainsi la « Grande Remontrance », un exposé de griefs contre le roi. Il exige en outre le contrôle du choix des ministres, qui représentent le pouvoir exécutif. La rupture entre le roi et son Parlement devient inévitable. En 1642, Charles 1er pénètre dans le Parlement pour tenter d’arrêter cinq députés, dont John Pym et John Hampden. Cela provoque un soulèvement à Londres, ce qui oblige le roi à se réfugier à Oxford. C’est ainsi que la guerre civile éclate. En 1643, le Long Parlement s’assure du soutien de l’armée écossaise. Le Long Parlement compte alors comme membre influent Oliver Cromwell (1599-1658), un puritain intolérant mais doué d’un réel talent politique et militaire. Celui-ci, animé d’un redoutable fanatisme religieux, lève un régiment de cavalerie baptisé Ironside (les côtes de fer) et défait les royalistes le 2 juillet 1644 au cours de la bataille de Marston Mood. L’année suivante, James Graham, marquis de Montrose, rallie les clans des Highlands à la cause du roi Charles 1er. Cromwell est alors chargé d’écraser les forces royalistes, ce qu’il fait lors de la bataille de Naseby le 14 juin 1645. La première phase de la guerre civile s’achève en avril 1646 lorsque les Écossais livrent Charles 1er au Parlement en échange d’une rançon.

De 1646 à 1649, des idéologies plus égalitaires se développent et menacent le pouvoir de la bourgeoisie du Parlement. Les nivelers de John Liliburne tentent sans succès de rallier à leur cause les principaux protagonistes de la révolution. Alors que les débats politiques et religieux font rage au Parlement, Charles 1er s’évade de Londres et réussit à conclure une alliance avec les presbytériens écossais. En 1648, une armée écossaise envahit l’Angleterre, pour toutefois être battue à Preston. Défait, le roi est amené à Londres. Cromwell débarrasse le Long Parlement de ses opposants pour ne garder que les puritains, qui formeront désormais le « Parlement croupion ». Il fait juger le roi par un haut tribunal de justice, qui le déclare coupable de haute trahison. C’est ainsi que, le 30 janvier 1649, Charles 1er est décapité.

Le Parlement croupion abolit non seulement la royauté mais également la Chambre des lords. De cette façon naît la république d’Angleterre, ou Commonwealth, approuvée par Cromwell. Aussi, bien que ce dernier ait toujours refusé de se faire couronner, il n’hésite pas à se faire nommer lord-protecteur à vie de la république d’Angleterre le 16 décembre 1653. Finalement, Cromwell, devenu impopulaire, meurt le 3 septembre 1658 et est enterré à l’abbaye de Westminster. Son fils Richard, qu’il a désigné comme son successeur, doit abandonner le pouvoir en 1659. Les bourgeois du Parlement décident alors de rappeler Charles II pour en faire leur roi.

Notes:
[1] Tiré de : Gaston Lavergne à www.esplanade.org/democratie.

3. Second Acte (1688)[1]

Charles II règne de 1660 à 1685. Bien qu’il souhaite le pouvoir absolu et qu’il est favorable au catholicisme, il est un homme de compromis. Il se montre toutefois hostile à la bourgeoisie de Londres, qui prétend concilier la recherche de l’argent et le souci de l’au-delà. De même, Charles II s’oppose à la noblesse capitaliste qui fait clôturer ses terres, interdisant ainsi aux pauvres d’y mener leurs bêtes en pâturage. Pourtant, il se doit de composer avec le Parlement, car le système électoral est tel que la bourgeoisie capitaliste (gentry) domine à la Chambre des communes. Vers 1680, on les nomme les « whigs » (brigands écossais), tandis que leurs adversaires issus des milieux anglicans et ruraux traditionnels sont appelés les « tories » (insurgés irlandais). Charles II et la majorité du Parlement s’affrontent alors à propos de la prérogative royale. Le Parlement se montre ferme en refusant au roi des crédits militaires. Par ailleurs, en 1673, le Parlement vote une loi, le Bill of Test, qui prétend exclure les non-anglicans de toute fonction administrative ou militaire. En 1679, il vote l’habeas corpus, dirigée contre l’arbitrage royal. Par cette institution, toute personne arrêtée doit être présentée dans les 24 heures à un juge. Parfois aigu, le conflit entre le roi et la majorité du Parlement ne dépasse pas certaines limites. Mais ce grand roi de compromis meurt en 1685.

Après la mort du roi, la situation politique et religieuse en Angleterre s’envenime. Le catholique Jacques II, qui succède à son frère Charles II en 1685, s’aliène rapidement l’opinion publique par des mesures impopulaires. L’immense majorité des Anglais ne peuvent admettre que le roi tente de replacer l’Église d’Angleterre dans le giron catholique. De plus, la bourgeoisie est violemment hostile à toute tentative de restaurer le pouvoir absolutiste. Elle juge inadmissible que le roi dispense certains de ses sujets de l’obéissance au Bill of Test et qu’il se proclame lui-même au-dessus de la loi. Les jours de Jacques II sont comptés puisqu’une révolution va mettre fin à son règne. Cette révolution est surnommée la Glorious Revolution (la Glorieuse Révolution), car elle n’engendre pratiquement pas de violence.

Les opposants au roi demandent au protestant Guillaume d’Orange de s’emparer de la Couronne. Lorsque celui-ci débarque à Torkay avec une armée anglo-hollandaise le 5 novembre 1688, Jacques II se réfugie en France auprès de Louis XIV. En janvier, le Parlement déclare le trône vacant. Il l’offre à Guillaume et à son épouse Marie Stuart, à la condition qu’ils jurent de respecter la Déclaration des droits. Il s’agit d’un texte qui résume les droits reconnus aux Anglais et selon lequel le souverain ne peut établir l’absolutisme. Ainsi, il est interdit au roi de suspendre des lois, d’empêcher leur exécution et d’ériger une juridiction d’exception. Il ne peut pas non plus percevoir d’argent ou entretenir une armée sans le consentement du Parlement. Cette révolution sans effusion de sang est un succès : elle assure la souveraineté au Parlement et la prospérité en Angleterre. L’institution du régime constitutionnel est une victoire de la démocratie sur l’absolutisme. Le parlementarisme britannique est né.

Notes :
[1] Tiré de : Gaston Lavergne à www.esplanade.org/democratie

4. Analyse du développement politique de la révolution anglaise [1]

La première chose qui saute aux yeux lorsque l'on analyse la Révolution anglaise, c'est le temps qu'il a fallu pour passer d'une monarchie absolue à une monarchie constitutionelle et parlementaire réelle. Le processus commence en fait avec la Pétition des droits - en 1628 sous le règne de Charles Ier - pour se terminer en 1689 avec Guillaume d’Orange. Sans rentrer dans les détails philosophiques, c'est que, quoi qu’il en soit, ce que nous constatons actuellement est que le modèle de la pratique historique de cet événement révolutionnaire coïncide parfaitement avec la théorie politique aristotélicienne. Ce qui est en contradiction avec le modèle du temps qui est plutôt basé sur un retour au platonisme mais soit. Disons que nous assistons , d'une part, à l'émergence de l’individualisme qui est un produit du droit, et d’autre part, que cet individualisme secrète nécessairement le pluralisme et l’État de droit.

En 1628 donc, le parlement anglais demande au roi Charles 1er des garanties contre les actes arbitraires du pouvoir, se rapportant essentiellement à la police et à la fiscalité. Ce dernier se refusa à accorder de telles garanties, en arguant qu’en tant que représentant de Dieu (dans son royaume) il ne pouvait commettre des actes arbitraires. Donc que le Roi ne pouvait pas faire le mal. Dès lors la rupture avec le Parlement va conduire à sa dissolution, à la guerre civile, à la déroute de la monarchie et à la décapitation du roi en 1649.

Mais tous ces évènements n'aboutirent à rien car pour leur part, ni Lord Cromwell, ni son fils, pendant la brève période de la République anglaise, n’ont pris de mesure en vue d’assurer la garantie juridique des membres de la communauté sociale. Mais n'oublions pas que Cromwell était un dictateur.

C'est sous Charles 2 que le Parlement va discuter de la célèbre loi de l’Habeas Corpus dont le but essentiel est d’assurer et garantir la liberté des individus. C’est ainsi que la sécurité juridique va se manifester en tant que phénomène sociologique de première importance car la sécurité juridique est le fondement de l’individualisme, donc du fait que chacun est pour lui-même et tend à s’accomplir selon la logique de l’égalité numérique, c’est à dire qu’un vaut un et pas plus qu’un. Cette discussion est fondamentale car c'est la discussion et l’adoption de cette loi qui donne naissance aux deux partis politiques de l’époque : les Whigs et les Tories (les libéraux et les conservateurs). Ce qui montre d’une manière particulièrement significative que l’individualisme secrète nécessairement le pluralisme.

A noter également que si l’individualisme produit le pluralisme, le pluralisme, lui, ne saurait exister en dehors de l’État de droit car des tendances sociales en dehors des règles politiques, ne sont que de simples factions menant, tôt ou tard, à l’affrontement entre elles et donc à des guerres civiles.

L’empire de la loi, le règne d’un texte fondamental, va se manifester alors comme une nécessité t l'Habeas Corpus va trouver son aboutissement logique dans la Déclaration des droits du 23 février 1689. En effet, l’institutionnalisation de l’individualisme mène à l’égalité numérique (Aristote, La Politique, VI, 2) et donc à la loi du plus grand nombre. C’est alors que se produit le passage de la souveraineté du souverain (Jean Baudin) à la souveraineté de la majorité. De sorte que l’institutionnalisation de l’individualisme - conditionné par le principe de l’égalité juridique - mène d’une part, à la concrétisation du principe de la justice numérique - et de l’autre, à la réalisation de la justice corrective. C’est ainsi qu’au niveau de l’échange va se manifester le principe de l’égalité proportionnelle. Car entre égaux l’échange ne peut être que proportionnel.

Cela dit, ce processus qui mène à la communauté d’égaux - à la fin éthique du social - ne trouve pas sa fin dans l’État de droit. Cet ordre est pour ainsi dire la concrétisation du commencement de ce mouvement conventionnel. Car l’individualisme secrète nécessairement le pluralisme et s’accomplit dans l’État de droit. Ce n’est que par la suite que la dimension du politique se réalise dans la pratique sociale et va se manifester soit comme ordre oligarchique, soit comme ordre démocratique.

Pour ce qui est de la « Déclaration des Droits » du 23 février 1689, il convient de rappeler qu’elle ne fait qu’exprimer la logique de base de la norme fondamentale de toute Constitution. En effet, selon cette Déclaration, le Roi ne peut pas être au-dessus de la loi, et puis l’exécutif doit être responsable devant le législatif. Par conséquent ces deux exigences ont comme fondement la loi du plus grand nombre : la souveraineté populaire. Car c’est par le biais des représentants du pouvoir législatif que la volonté populaire se manifeste et que sa normativité est nécessairement souveraine. Par conséquent, la volonté du Roi, ou du Président de la République ne peut pas être supérieure à la volonté de la majorité. C’est d’ailleurs à cause de ce principe de souveraineté que l’exécutif est nécessairement responsable devant le législatif. Cela dit, il est important de comprendre aussi qu’avec l’État de droit le pouvoir cesse d’être « le gouvernement domestique d’une cité ou d’une nation ». (La Politique II, 14). De sorte que la chose publique cesse d’être le domaine du despote, plus ou moins éclairé, pour devenir la propriété commune, la propriété de tous. C’est dès lors, à partir de ce changement que l’appropriation de la chose publique se manifeste comme une des causes principales du mal social. Substantiellement parlant l’État de droit est l’ordre qui donne naissance au processus politique. Donc à ces mécanismes de régulation et d’accomplissement de l’ordre social. Car ils tendent à la création d’une communauté d’égaux se réalisant selon le principe de l’égalité de chance. Car ce qui se réalise dans ce processus c’est l’universalité contenue dans chaque singularité. Pour cette raison la substance éthique de cet ordre individualiste ne peut se manifester que selon l’impératif kantien : Dans ton rapport à l’autre agi de sorte à le considérer comme un être digne de respect et non comme un animal ou une chose. Par conséquent la coexistence dans ce monde passe non pas par l’amour ou par la compassion, mais par le respect de l’autre.

Il est ainsi important de comprendre que le politique apparaît concrètement avec l’État de droit et que cet ordonnancement juridique est le point de départ du processus politique qui s’accomplit dans la communauté de citoyens. C’est ainsi que l’État de droit se manifeste soit comme oligarchie, soit comme démocratie. Il s’agit, par conséquent, de deux ordres où le principe de la souveraineté populaire et de la loi du plus grand nombre se manifestent nécessairement. Mais dans ces ordres le suffrage n’est pas forcément universel et l’État de droit ne donne pas forcément la démocratie, car le peuple souverain peut ne pas être constitué que de citoyens, des sujets du pouvoir. Il peut être aussi composé de sujets dont le rôle est celui de légitimer ceux qui accèdent au pouvoir. En effet l’oligarchie et la démocratie sont des manifestations de l’État de droit. Ce qui veut dire concrètement que dans l’oligarchie le processus d’égalité juridique, propre au mouvement d’accomplissement politique, ne s’est pas encore réalisé. Car « quand ce sont les mêmes qui sont toujours au pouvoir, il en résulte forcément que le reste de la population est frappé d’indignité » (La Politique III, 10). Par conséquent l’accès à la plénitude de la dignité pour tous, ne peut se produire que dans un ordre où existe l’égalité devant le pouvoir et donc le principe de l’alternance pure. Ce système n’est autre que celui de la démocratie, c’est à dire celui où « il y a participation de tous à toutes les fonctions ». (Ibid. VII, 9). Phénomène qui ne se produit pas dans les oligarchies, car dans cet ordre nous avons affaire à une alternance au sein de l’élite du pouvoir. Avec l'oligarchie, il y a patrimoinisation du domaine politique. Et donc seule la démocratie permet de dépasser cette nomenklatura du pouvoir oligarchique. Pour cette raison on peut dire que l’État de droit s’accomplit dans la démocratie ; mais la démocratie ne veut pas dire État de Justice. L’État de Justice est plutôt le devoir-être de l’État démocratique. C’est plus « concrètement » le règne de la dikecratie, c’est-à-dire : dike, justice et kratos, pouvoir. Car la finalité du processus politique est, comme le souligne Aristote, « la création d’une communauté d’égaux en vue de mener une vie la meilleure possible » (Ibid. VII, 8). Car « un gouvernement est établi soit dans l’intérêt de celui qui gouverne, soit dans l’intérêt des gouvernés : dans le premier cas c’est ce que nous appelons le pouvoir du maître sur ses esclaves, et dans le second c’est le gouvernement sur les hommes libres » (Ibid. VII, 14). C’est par le biais de la justice contributive et de la justice distributive que l’État démocratique réalise sa propre finalité. En effet, selon cette logique du processus politique, il s’agit de sauvegarder les principes de la justice. Car la justice veut que l’égal soit traité en égal et l’inégal en inégal, comme le souligne Aristote. De sorte que la justice relative aux contrats est la justice corrective. Et dans ce domaine l’injuste est ce qui est inégal, tandis que le juste est ce qui s’accorde avec l’égalité.

Les principes qui conditionnent la pratique de la raison sont, en eux-mêmes, les cadres référentiels de l’action. Ces principes ne sont pas d’ordre métaphysique comme le croient certains théoriciens comme John Rawls, par exemple. De sorte que selon ces théoriciens, toute réflexion de cet ordre ne peut se situer que dans la « caverne » et est dès lors fondamentalement prémoderne. Or, il convient de comprendre que la métaphysique est une instance qui n’a rien à voir avec l’éthique, mais est en relation plutôt, par définition, au monde physique.

Par contre pour la justice qui se rapporte à la constitution et à la distribution de la chose publique, l’injuste est ce qui est égal, tandis que la justice est ce qui s’accorde avec l’inégalité. Pour ces différentes raisons, le concept de la justice distributive a été exprimé, depuis l’époque classique grecque par le principe : de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ! Ce qui veut dire concrètement, comme nous venons de le souligner, que le critère de la capacité de chacun de contribuer au bien être général est celui qui doit conditionner l’attribution des fonctions. Lesquelles fonctions, comme le montre la logique démocratique ne peuvent pas être données à vie. C’est précisément cette dimension qui est exprimée par l’article 30 de la deuxième « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » : « les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées, comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs ». De sorte que l’État éthique doit non seulement promouvoir le principe de l’alternance pure - tout en tenant compte de la finalité du bien-être général - mais aussi aider ceux qui sont dans le besoin, en vue d’assurer le nivellement social et l’égalité des chances. Ce qui correspond aux deux budgets que nous connaissons actuellement : le budget de l’État et le budget de la sécurité sociale. En tout cas, comme le souligne Aristote, les lois et les institutions doivent être ordonnées de telle façon que les fonctions publiques ne puissent jamais être source de profit car en politique le bien n’est autre que le juste, autrement dit l’intérêt général. Cela dit le but éthique de l’État n’est pas simplement de réaliser la justice au niveau de sa propre communauté, mais aussi de lutter pour la justice au niveau international. Car les États (quelles que soient leurs dimensions) sont, par définition, des parties de la communauté internationale et « le soin de chaque partie est naturellement orienté vers le soin du tout ».(Idem.VIII, 1). C’est donc en tant que communauté de citoyens que les communautés juridiques particulières participent à la lutte pour la justice au niveau international. Ceci en vue de créer une communauté universelle génératrice de justice et de paix.

Cela dit, et pour conclure, comme on peut le comprendre facilement, les sujets de cette lutte ne sont pas uniquement les États. Les citoyens en tant qu’êtres cosmopolites sont aussi des sujets de cette finalité qu’implique nécessairement l’affirmation de l’universalité de l’humain, de la dimension générique contenu dans sa substance. Car le but éthique de l’humain est celui de la création d’une communauté des nations capable de se reproduire dans l’universalité des rapports. Mais l’humanité ne pourra atteindre ce but si elle n’arrive pas à dépasser et à bannir les idéologies de la domination, comme celle de peuple élu de la Bienveillance divine, ou celle encore de la destinée manifeste (à la domination universelle). Car ces mouvements impliquent non seulement la négation de la différence, mais aussi celle des valeurs d’ordre universel qui sont le contenu même de la substance éthique de l’humain.

Notes :
[1] Tiré de www.normanpalma.net/textes/revo_angl

Publié dans histoire

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<br /> Blog(fermaton.over-blog.com).No-9, THÉORÈME DÉMOCRATIQUE.-NOUVELLE DÉMOCRATIE ??<br /> <br /> <br />
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